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vendredi 2 mai 2014

Revue de presse (El Watan)| Lafarge: L’avenir incertain des familles des grévistes

Quinze travailleurs de l’entreprise française Lafarge entament aujourd’hui leur 56e jour de grève de la faim. Le conflit entre les salariés licenciés et la direction se durcit. Les discussions avec l’entreprise semblent bloquées. Leur santé est aujourd’hui en danger. 


Mascara et Oran. 

La route goudronnée traverse des champs de blé et des terrains caillouteux avant de s’arrêter devant le portail noir. Ici, pas de village, mais une usine de ciment au pied d’une montagne et sur le bord de la route, les tentes des quinze employés, en grève de la faim. Le conflit social s’enlise, entrant dans son 3e mois. «C’est un harcèlement de Lafarge contre ces grévistes. Les autorités locales ont pris partie pour l’employeur. Elles les ont délogés par la force à Alger et laissés à l’abandon à Oggaz. Ceci est une atteinte à la liberté syndicale et une entrave au droit à la grève.» Maître Salah Debouz, avocat des salariés grévistes et président de la Ligue algérienne de défense des droits de l’homme (LADDH) est catégorique : l’entreprise est fautive. «Même le ministre du Travail a reconnu la légalité de la grève. La section sociale du tribunal de Sig aussi. Qu’est-ce qu’attend Lafarge pour les réintégrer et négocier avec eux ?» ajoute-t-il.

Suspendus depuis novembre 2013 après un mouvement de grève, dix-sept salariés de l’usine d’Oggaz, à 50 km au nord-ouest de Mascara, ont décidé de radicaliser leur mouvement de protestation en entamant une grève de la faim qui dure depuis presque deux mois. Deux d’entre eux ont finalement rédigé une lettre d’excuses à leur employeur avant d’être réintégrés. Pour les autres, la réponse de l’entreprise est sans appel. Plusieurs plaintes ont été déposées contre eux. Lafarge les accuse d’entrave à la liberté de travail et d’atteinte à l’image de l’entreprise. Mais les salariés sont convaincus qu’ils payent le prix de leurs revendications syndicales. «Ceux qui ont été suspendus figuraient sur une liste établie au préalable par l’entreprise en réaction aux actions syndicalistes organisées en mars 2013», affirme Abdelaziz Semmache. Fin 2013, leur section syndicale avait été dissoute par l’UGTA. Sous le soleil et la chaleur étouffante de la région aride d’Oggaz, les grévistes sont obligés de quitter leur tente asphyxiante pendant la journée. Ils se sont installés près de l’entrée de l’entreprise, contre le mur d’enceinte.

«C’est d’abord une action patriotique. Après la première grève entamée par plus de 500 travailleurs en mars 2013, le directeur du site, Eric Delquignies, a déchiré le drapeau algérien devant nous, se rappellent avec amertume les grévistes de Mascara. Il nous a dit qu’il ne reconnaissait aucune autorité à l’intérieur du site qu’il considère comme un terrain français. Nous avons déposé une plainte contre lui. Une action juridique qui traîne encore en justice. Si nous sommes dans cette situation, c’est parce que nous avons tenu tête. Nous sommes déterminés à aller jusqu’au bout de notre combat.» Visage pâle et bouche sèche, les grévistes, entassés sous un arbre, supportent mal les conditions de vie dans cette région isolée. Isolés en Algérie dans leur combat contre l’entreprise française, les protestataires ont pourtant fait connaître leur lutte à travers le monde. Plusieurs syndicats et organisations internationales ont apporté leur soutien, parmi lesquels le syndicat français Solidaires, le Centre américain de solidarité syndicale, la Fédération syndicale internationale du bâtiment et du bois, la CGT espagnole ou encore l’Organisation démocratique du travail marocaine (ODT). Sur le territoire, les actions du petit groupe sont soutenues par la LADDH, le Snapap et le récent comité de soutien qui organise chaque mardi une action à Alger devant le siège de l’entreprise.

Sacrifices

Les syndicats ne sont pas les seuls à se solidariser avec les grévistes, leurs familles aussi ont tenu à marquer leur présence. Le 2 avril dernier, frères, sœurs, femmes, oncles et enfants bloquaient ensemble les routes menant à l’usine. L’épouse de Abdelaziz Semmache aussi s’était déplacée pour l’occasion. «Si mon mari m’avait donné son accord, depuis le début j’aurais arrêté de manger», confie-t-elle. Dans le modeste appartement du quartier populaire de Tirigou (Victor Hugo) dans lequel elle nous accueille, la mère de trois enfants accumule les factures qu’elle ne peut plus payer. «Hier c’était l’électricité, 3600 DA, aujourd’hui, c’est l’eau. Sans compter les 20 000 DA de la location de l’appartement, soupire la femme du gréviste. C’est grâce à la famille que nous arrivons à subvenir à nos besoins car mon mari est privé de sa paye depuis six mois.» La situation des grévistes se complique de jour en jour. Ils passent leur quotidien entre les ambulances et les réanimations dans les hôpitaux.

«Les travailleurs qui sont sans salaire depuis des mois ne peuvent résister à l’acharnement de Lafarge. L’entreprise est habituée à ce genre de conflits sociaux à travers le monde. Mais que  fera-t-elle avec un décès sur les bras ?» s’interroge Kadour Chouicha, syndicaliste et vice-président de la LADDH qui suit le mouvement depuis le début. «Passé le seuil des 60 jours, si nous sommes toujours en vie, nos familles aussi s’installeront sur le site avec nous, promet le porte-parole des grévistes. Que tout le monde sache, que le face-à-face n’a rien d’un règlement de compte personnel et que derrière ces sacrifices, ce sont des familles qui souffrent de nos engagements pour notre combat pour la dignité et nos droits au travail.»


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