La mobilisation des en masters en architecture revendiquant le droit d’exercer la profession d’architecte a fini par faire fléchir l’Ordre des architectes. Dimanche dernier, le Conseil national de l’Ordre des architectes (CNOA) les invite à travers un communiqué des plus placides à déposer leurs dossiers aux niveau des comités localement compétents.
Mais, c’est aussi flegmatiquement que les prétendants à la profession
d’architecte créditent la nouvelle, car d’aucuns dans les rangs de leurs
aînés imputent la décision à une diversion dont la visée immédiate est
de disperser le piquet de grève des futurs architectes, et mettre en
veilleuse les troubles qui portent atteinte à la politique de
«pacification» chère à la «stabilité» prônée par le ministère de
l’Enseignement supérieur. Des architectes établis évoquent une
injonction d’en haut, alors que «l’Ordre» des architectes, comme son nom
l’indique, est supposé être souverain ; ils dénoncent par là même une
tendance à céder au populisme et à la facilité, «une approche qui nuira
gravement au niveau de compétence des futurs architectes», selon des
architectes que nous avons interrogés.
La prise en considération des sollicitations des futurs architectes
semble avoir été hâtée suite au large mouvement de grève observé par
plusieurs départements d’architecture et d’urbanisme à travers le pays.
Du côté du ministère, le directeur général des enseignements et de la
formation supérieurs, M. Haouchine, nous a effectivement confirmé la
tenue d’une rencontre ayant réuni des représentants de l’Ordre des
architectes avec le ministre de l’Enseignement supérieur. L’entrevue a
eu lieu samedi, la veille de la diffusion du communiqué en question.
«Nul ne peut nier que nous privilégions la politique du dialogue au
niveau du ministère, nous considérons également l’engagement de la
réforme LMD comme une démarche dynamique. Concernant l’architecture, un
grand travail de mutation est engagé depuis quelques années déjà avec
les comités pédagogiques pour mettre les enseignements au diapason par
rapport à la formation des architectes dans le monde, mais surtout de
répondre par une offre de formation nouvelle qui répond au mieux aux
besoins nationaux ; une offre plus diversifiée par rapport à la
formation classique, plus pointue et innovante mais qui est censée
surtout garantir aux futurs diplômés de nouveaux débouchés
professionnels autres que les carrières classiques, car c’est cela
l’esprit-même du LMD, supposé évoluer de pair avec le progrès mondial.»
Quoi qu’en pensent d’aucuns, tout porte à croire qu’il s’agit-là d’un
autre dysfonctionnement sur le compte du nouveau système LMD. Les
masters en architecture se sont retrouvés dans un semblant de
cul-de-sac, empêchés de fait d’exercer la profession, car sans
concordance effective avec l’ancien diplôme d’architecte d’Etat
stigmatisés ainsi par l’Ordre des architectes et devant l’indifférence
du ministère de l’Enseignement supérieur les futurs architectes se
disent victimes de leur incompréhension du système et imputent cette
situation, d’une part, à la mauvaise communication de la tutelle sur les
réformes engagées, et d’autre part à la mauvaise foi d’une certaine
engeance d’anciens architectes aigris, réfractaires aux nouvelles
méthodes d’enseignement, des architectes établis ayant pignon sur la
cité et qui méprisent le niveau de compétence des nouveaux arrivants
dans leur loge.
A l’origine, le système LMD a été engagé pour justement garantir la
normalisation et les équivalences des diplômes et de permettre la
mobilité et la flexibilité de la formation au moyen d’un enseignement à
la carte. Mais, selon des acteurs du secteur bâti, les choses se font
encore à l’ancienne ; l’ environnement socioéconomique algérien offre
très peu d’opportunités aux nouvelles spécialités, soient-elles des plus
innovantes.
Le hic, c’est que la réforme des enseignement est bel et bien engagée
et on ne forme plus désormais des architectes au sens classique du
terme, les nouveaux profils super spécialisés dans des domaines relatifs
à la production architecturale, les para-architectes et autres
designers semblent ravaler leurs ambitions modernistes et regretter le
bon vieux diplôme d’Etat. Car, en réalité, l’innovation, l’environnement
et la quête du bien-être dans les entreprises urbanistiques dans notre
pays sont relégués au dernier plan. Le premier souci étant de bâcler un
autre plan, justement, celui des millions de logements chers au
«programme de son Excellence».
Exit donc l’inventivité de la carte de formation créative ; la grande
création de la politique urbanistique actuelle innove plutôt dans la
chasse aux marchés publics. Dans ce contexte, les étudiants en
architecture, derniers au chapitre, n’ont finalement d’autre choix que
la vocation du cabinet ou le travail dans les bureaux d’étude. Pourvu
qu’on daigne leur céder la voie. «L’Université, à travers le système
LMD, tend à hisser le pays vers le haut et rejoindre ainsi le progrès
mondial. Nous assumons notre rôle dans les limites de nos prérogatives.
Mais il n’est pas de notre ressort de faire en sorte que d’autres
secteurs suivent systématiquement ; nous nous occupons à résoudre nos
propres problèmes et souhaitons que le reste suive», se défend en guise
de conclusion le directeur des enseignements.
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