«Nous demandons l'intervention du président de la République pour faire pression sur la société Lafarge», a lancé le gréviste Aziz Semache.
Oggaz, cette petite localité rattachée administrativement à la commune de Sig dans la wilaya de Mascara, vit depuis maintenant près de deux mois, au rythme d'un événement particulier, la grève de la faim observée par 14 travailleurs de la cimenterie Lafarge.
Ces derniers ont été licenciés par la société les employant après plus de 6 mois ayant suivi leur suspension à titre conservatoire. «Nous sommes au 48e jour de notre mouvement», a indiqué le gréviste Aziz Semache déplorant la dégradation, de jour en jour, de l'état de santé des grévistes.
Et d'ajouter que «nous enregistrons des évacuations quotidiennes des grévistes vers les services hospitaliers comme nous avons enregistré, à plusieurs reprises, des hospitalisations parmi les grévistes, deux de nos collègues ont été, à deux reprises, hospitalisés». Jeudi matin, en dépit de la forte chaleur qui a sévi la région, les grévistes étaient sur place. Maintenant leurs positions, ils sont plus que déterminés à poursuivre leur action jusqu'à l'aboutissement de leurs revendications, ils interpellent les plus hautes autorités de l'Etat. Alerte dans ses déclarations, Aziz Semache souhaite l'implication des plus hauts responsables du pays, à leur tête le premier magistrat, Abdelaziz Bouteflika. «Nous appelons le président de la République l'informant que Lafarge bafoue la loi algérienne, nous demandons son intervention pour faire pression sur les responsables de Lafarge pour notre réintégration», a-t-il lancé à l'intérieur de la tente servant de lieu abritant les grévistes. Quinze travailleurs de la cimenterie Lafarge d'Oggaz, dans la wilaya de Mascara, suspendus à titre conservatoire par les patrons de l'usine depuis la fin novembre 2013, poursuivent donc leur grève de la faim. «Notre suspension est arbitraire», dira Aziz Semache ajoutant qu'«elle est contraire au règlement intérieur». Pour plusieurs autres employés «le règlement intérieur stipule qu'une suspension ne doit pas dépasser 60 jours».
Or, ajoutent-ils «cette suspension dépasse les seuils de l'entendement avant que les travailleurs ne soient définitivement rayés des effectifs de la société Lafarge en les licenciant brutalement». Les conflits ont commencé au lendemain du rachat de l'usine par Lafarge. Elle avait été construite en 2007 par Orascom dont le financement a été assumé par l'argent des banques algériennes publiques. Le nouveau patron a, dans sa stratégie managériale, décidé de ne garder que 250 travailleurs sur les 837 qui étaient employés.
D'où une pluie de sanctions, pour une simple raison, question de diminuer l'effectif jugé excédentaire.
Plusieurs travailleurs et employés de Lafarge, ayant requis l'anonymat, sont unanimes à dire que «la pression est exercée en permanence sur les travailleurs». «Défendez notre cause en écrivant dans votre journal que nous, travailleurs algériens, sommes tout le temps méprisés», a affirmé un autre employé requérant lui aussi l'anonymat de peur de représailles. L'investissement algérien dans le domaine du ciment remonte aux années qui ont suivi le recouvrement de la souveraineté nationale.
En 1970, Boumediene a décidé de la nationalisation de la cimenterie de Raïs Hamidou, à Alger, et ce, en réponse au refus des Français de contribuer à la réussite des plans de développement en réinvestissant leurs profits dans le secteur du ciment qui manquait cruellement. Le groupe français Lafarge se place en aval de la production avec sa propre chaîne de distribution, et en amont avec un laboratoire de développement.
Lafarge en quelques chiffres
Lafarge est présente dans le marché national avec près de la moitié de la production nationale en produisant quelque 21 millions de tonnes de ciment par an. Le cimentier français est le propriétaire d'une chaîne de magasins spécialisés dans la vente de matériaux de construction: du ciment, du béton et du plâtre Lafarge. Présent dans le pays depuis 2002, il est en position de force depuis le rachat d'opérations d'Orascom Cement en 2008. Lafarge vise loin en ouvrant, d'ici à 2016, 25 points de vente sur le territoire national. En Algérie, Lafarge compte 2600 collaborateurs, deux cimenteries et 22 centres de production de béton. Financièrement, Lafarge se porte en bonne santé. En 2013, Lafarge a connu une croissance de ses ventes de 8,9% (pour un total d'environ 600 millions d'euros), contre 0,8% au Maroc voisin et une chute de 7,8% en Égypte. Le groupe français devra régler les conflits salariaux qui minent sa filiale algérienne. Début mars, seize travailleurs de la cimenterie d'Oggaz ont entamé une grève de la faim pour demander leur réintégration. Une situation que Lafarge semble pour l'instant très mal gérer. Les revendications des travailleurs grévistes s'articulent principalement autour de leur réintégration inconditionnelle, paiement de leurs salaires et autres indemnités, respect du droit syndical et prise en charge de l'état de santé des travailleurs grévistes.
Wahib Aït OUAKLI, L'expression du 26 avril 2014
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