Si les partenaires du dialogue économique sont acquis à la cause des
centres de décision politiques, que dire alors du dialogue social ? Dans
la bataille de représentativité que mènent les syndicats autonomes face
au principal syndicat des travailleurs, à savoir l’Union générale des
travailleurs algériens (UGTA), cette dernière vient de laisser quelques
plumes. En juin dernier, la Centrale syndicale, partenaire attitré du
gouvernement, perdait son siège au sein du conseil d’administration de
l’Organisation Internationales du Travail (OIT).
Une sanction après que l’Algérie ait été interpellée par l’organisation
onusienne sur des entraves à l’exercice des libertés syndicales suite à
des plaintes introduites par les syndicats autonomes. Il s’agit d’un
«désaveu» pour l’UGTA, estime Stephane Enjalran, président du Comité
international de soutien au syndicalisme autonome algérien (CISAA). Car,
parallèlement, les syndicats autonomes sont reconnus par la
Confédération syndicale internationale (organisation comptant 325
syndicats affiliés, représentant 178 millions de travailleurs dans 161
pays dans le monde). L’UGTA «a perdu une bataille importante et à terme
cela lui nuira», pense notre interlocuteur. Elle n’est certes «pas en
reste» en termes de représentation, mais aujourd’hui elle «est
inquiétée» par les syndicats autonomes. Mais pour ces derniers, la
partie est loin d’être facile.
Le Syndicat national du personnel de l’administration publique
(SNAPAP), qui se présente comme le principal syndicat autonome du pays
avec 300 000 travailleurs représentés, ne fait a priori pas le poids
devant une Centrale syndicale dont les nombres se comptent en millions.
D’autant que les manœuvres tendant à museler les syndicats autonomes
n’ont pas manqué, notamment à travers le clonage. Plusieurs de ces
syndicats, eux, ont vu l’émergence de leur double. «Le clonage touche
les syndicats jugés dangereux par le pouvoir et ceux-ci ont de
l’audience», souligne Stephane Enjalran. Parmi les plus touchés, le
Snapap. Son porte-parole, Rachid Malaoui, explique que la pratique
consiste à «octroyer un récépissé par l’administration au syndicat
factice reconnaissant son existence et le considérer dès lors comme le
partenaire du dialogue du gouvernement». Le syndicat bis n’est visible
que quand son rival «légitime» entame des actions sur le terrain.
Le but de la manœuvre est non seulement de discréditer le syndicat,
mais également de «brouiller les repères et créer la confusion, surtout
au niveau des salariés parce qu’ils ne savent plus qui est légitime». La
technique n’est pas unique, les syndicats autonomes sont neutralisés de
facto par le fait qu’on ne leur octroie pas d’agréments. Ceux qui le
sont sont confinés à des secteurs précis et sommés de ne pas dépasser
ses limites, explique Rachid Malaoui. Le secteur économique est, quant à
lui, «verrouillé», observe le président du CISA. Si certains secteurs
sont plus «combatifs» que d’autres, il est clair que l’éclatement des
syndicats autonomes dont on retrouve plusieurs dans une même corporation
comme la santé et l’éducation «facilite la neutralisation», estime le
syndicaliste français.
Les acquis obtenus en faveur des travailleurs après des protestations
lancées par les syndicats autonomes pourraient permettre à ces derniers
de s’affirmer auprès du monde du travail en tant que dignes
représentants. Quant à s’imposer comme partenaire social à part entière
du gouvernement, il faudra sans doute plus qu’un coup de pouce de l’OIT.
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