Entretien réalisé par Wahida Gaci
sur le nouveau système d'enseignement universitaire (Licence, Master,
Doctorat, LMD), M. Mahrez Bouich revient sur les
raisons de l'échec de ce système, appelant à une conférence
nationale d'évaluation de l'université et du système LMD qui
réunirait les acteurs universitaires concernés.
Le Premier ministre a fait allusion plusieurs fois dans ses discours à
la situation alarmante de l'enseignement supérieur, dans les
Universités algériennes. Qu'en pensez-vous en tant qu'enseignant
universitaire ?
C'est la montagne qui accouche d'une souris. Ce n'est un secret pour
personne, y compris pour la tutelle, que l'université algérienne
traverse une crise multidimensionnelle profonde et dangereuse, sans
précédent. Cette crise est la résultante systématique des trois facteurs
suivants. Le premier facteur est l'instrumentalisation politique
inconcevable de l'institution universitaire en Algérie, et ce, au
détriment de la vocation de l'université qui est l'Univers, par
excellence, de la science, de la recherche, de l'enseignement, de la
pédagogie et de la formation. Une instrumentalisation politique qui
s'inscrit dans l'objectif de contrôler l'université et d'avoir la main
mise sur son fonctionnement général interne et externe. Seule méthode
pour le système en place d'empêcher à la fois l'émergence d'une élite et
des têtes chercheuses scientifiques, progressistes et autonomes qui
peuvent éviter la sclérose sociopolitique, culturelle et économique,
d'une part ; et d'autre part, l'ouverture de la société algérienne sur
le monde, un monde qui évolue sans cesse. Il est tout à fait clair que
le système d'enseignement supérieur en Algérie est passé par différentes
réformes. Malheureusement toutes ces réformes imposées, depuis
l'indépendance, n'ont pas échappé aux manœuvres politico-politiciennes.
Ce qui a provoqué un dysfonctionnement structurel flagrant et une
inadéquation avec toutes les mutations socio-économiques et culturelles
vécues par la société algérienne moderne. Simplement une
instrumentalisation qui a rendu l'université algérienne un distributeur
automatique de diplômes. Le deuxième facteur, que l'on ne peut nier, est
l'idéologisation de la science et de la connaissance. Un danger majeur
qui a fragilisé et fragilise encore les générations à venir d'étudiants
et de chercheurs. Une maladie ou plutôt une gangrène qui ronge le
système de l'enseignement supérieur. Une idéologisation de type
arabo-oriental et islamo-wahhabite qui débouche sur la naissance
d'esprits universitaires rigides, incapables de réflexion et
d'innovation, qui méprise la science, le refus de la critique et de
l'acceptation de l'autre. Le troisième facteur, caractéristique des
universités algériennes, est sans doute celui de la primauté de
l'administratif sur le pédagogique et le scientifique. Une politique "
perverse " qui a instauré à nos jours une bureaucratisation de la
gestion et du fonctionnement général de l'université. Laquelle
bureaucratie qui a engendré l'institutionnalisation de l'incompétence et
l'enracinement d'une mauvaise gouvernance de l'université. Selon ma
profonde conviction seule l'autonomie et la démocratisation de
l'université algérienne peuvent lui permettre de sortir de la crise.
Malheureusement, l'ordre établi a tendance à nier cette amère réalité du
système de l'enseignement supérieur dont il est le premier responsable.
Il est sans cesse à la recherche de subterfuges politico-politiciens
qui ne sont, en réalité, qu'une fuite en avant.
A votre avis, cette crise
ne serait-elle pas liée
aux réformes et système
dits LMD ?
" C'est comme du mercurochrome sur une jambe de bois ". D'abord il faut analyser profondément l'usage de la notion de " Réforme " dans le discours de nos responsables politiques. Un usage qui est lié soit à une crise qui les dépasse, soit à des orientations politico-économiques restreintes des " groupuscules " internes et externes et aux exigences des partenaires économiques internationaux. La réforme de l'enseignement supérieur dite " système LMD " appliquée en Algérie n'échappe pas à cette logique. L'anticipation et la précipitation de la mise en œuvre de ce système en Algérie sans la compréhension de l'esprit et de la substance qui lui ont donné naissance et application en Europe, ni la création des conditions adéquates de sa réussite, d'un côté, et sans la concertation ni encore moins l'implication des premiers concernés que sont les enseignants- chercheurs, les enseignants et les étudiants…etc., d'un autre côté, a chamboulé complètement les fondations et donc l'édifice de l'enseignement supérieur dans notre pays. Ensuite l'incompatibilité évidente de ce système avec la réalité sociale, culturelle et politique, voire économique, de notre société qui a sa propre réalité sociétale et identitaire, a davantage creusé le fossé entre les offres de formations et leurs objectifs, entre la recherche fondamentale et la recherche appliquée, entre les programmes et les outils pédagogiques et enfin entre les diplômes (LMD) et la réalité du marché du travail. A mon avis , seule une conférence nationale d'évaluations de l'université, ainsi que du système LMD qui réunirait les acteurs universitaires concernés pourra nous sortir du bout du tunnel.
" C'est comme du mercurochrome sur une jambe de bois ". D'abord il faut analyser profondément l'usage de la notion de " Réforme " dans le discours de nos responsables politiques. Un usage qui est lié soit à une crise qui les dépasse, soit à des orientations politico-économiques restreintes des " groupuscules " internes et externes et aux exigences des partenaires économiques internationaux. La réforme de l'enseignement supérieur dite " système LMD " appliquée en Algérie n'échappe pas à cette logique. L'anticipation et la précipitation de la mise en œuvre de ce système en Algérie sans la compréhension de l'esprit et de la substance qui lui ont donné naissance et application en Europe, ni la création des conditions adéquates de sa réussite, d'un côté, et sans la concertation ni encore moins l'implication des premiers concernés que sont les enseignants- chercheurs, les enseignants et les étudiants…etc., d'un autre côté, a chamboulé complètement les fondations et donc l'édifice de l'enseignement supérieur dans notre pays. Ensuite l'incompatibilité évidente de ce système avec la réalité sociale, culturelle et politique, voire économique, de notre société qui a sa propre réalité sociétale et identitaire, a davantage creusé le fossé entre les offres de formations et leurs objectifs, entre la recherche fondamentale et la recherche appliquée, entre les programmes et les outils pédagogiques et enfin entre les diplômes (LMD) et la réalité du marché du travail. A mon avis , seule une conférence nationale d'évaluations de l'université, ainsi que du système LMD qui réunirait les acteurs universitaires concernés pourra nous sortir du bout du tunnel.
Depuis plus 10 années, les pouvoirs publics ont décidé
d'intégrer le système LMD dans l'enseignement supérieur, quel bilan
faites-vous de système ?
In Tribune des Lecteurs
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